Lire Verdiglione n. 24 • Le parfait mangeur du cerveau d’autrui 

Lecture de La conjuration des idiots d'Armando Verdiglione.

 

Je suis à page 81, dans « La ballade du cannibale ». C'est « Le troisième jour. L’affaire ».

 

Avant de lire encore une fois la « Ballade de l'homo cannibalis », c'est bien écrit ainsi, je reviens en arrière à page 31, parce qu'il y a une constante de mes questions de base à lire. Bien que j’aie fait quelques pas en direction du capital de la vie. Verdiglione écrit : « Parmi les conjurés, quelqu'un lui a même donné un conseil : parle comme tu manges ! Ce serait le bégayement, apanage du cannibalisme blanc, sur le critère de la compréhensibilité totale, qui postule totalement stupide l'Autre ». Le bégayement comme cannibalisme, et plus précisément comme autophagie.

 

Et voici la « Ballade de l'homo cannibalis : Je gagne ce que je tue, je mange ce que je tue, je gagne ce que je mange, je suis ce que je mange, je suis l’androgyne ».  Et aussi : « Je mange le cerveau de Satan, je suis le blanchissime ».

 

C'est une ballade et un rituel de purification. Une dance et une chanson, une chanson et une dance. Presque la liturgie d’une chanson avec le rituel de la dance, dans l’alternance et l’alternative entre le deux.

 

« Ballade de l'homo cannibalis » : c'est la ballade de cette fantasmagorie qui se prend pour l'homme. Cet homme qui dévore, qu’il gagne ce qu'il tue et puis il le dévore. Donc, c'est un mercenaire assassin, un cannibale, et même un bègue.

 

« Je mange ce que je tue. » Alors, pourquoi l'homo cannibalis se tue ? Parce que c'est l'homme d'esprit. Homo homini lupus, c'est l'homme d'esprit.  L'homme brebis. L'homme agneau. L'homme lion. L'homme tigre. C'est l'homme d'esprit. Et ce qui est tué, c'est la nourriture substantielle et mentale. Il est tué l’homme dans l’homme animal, afin qui reste l’animal émondé de toute la différence et toute la variété.  

 

« Je mange ce que je tue. » La substance, c'est à la place du semblant nié. Et la mentalité est à la place du temps nié.

 

L'homme d'esprit, le régisseur (spiritus rector) : le porteur de ce qu'il tue, de ce qu'il mange. « Je gagne ce que je mange ».

 

« Je suis ce que je mange. » Ici, s'ouvre un chapitre en plus, presque. Parce que c'est tout ce qui est dans l'élaboration de la cuisine, de l'alimentation, de la nourriture. Enfin, c'est l'affirmation de Max Stirner : « l’homme est ce qu’il mange ». Précédé de la méditation de Anthelme Brillat-Savarin. Dis-moi ce que tu mange et je te dirais qui tu es ».

 

L'homme est-il ce qu'il mange ? C'est-à-dire qu'il y a le devenir-substance ? Et le devenir mentalité ? C'est-à-dire devenir la mort.  Alors « Je suis l'androgyne » ? Bien sûr, l’unisexe et donc double effacent le deux. Et c’est l'harmonie socio-cosmopolitique. L'effacement dans la gomme spirituelle, du bloc harmonique et de la colle inharmonique et vice-versa. C’est ça l’harmonie socio-cosmopolitique, comme la concordance des canons discordants de Gratien. C’est aussi un enfer de parangonnes et de confrontations qui va s’ouvrir.

L'enfer ? Je suis la mort blanche. Je suis le blanc le plus blanc. « Je suis l’Amenthès », c'est l'enfer grec.

 

Ici, il faudrait ouvrir le diagramme cartésien, comme le diagramme de la vie en noir et blanc. En réalité, c'est le diagramme de la mort. C'est l'arbre de la mort, avec ses sujets pendus. Ils y auraient ces quatre zones : la zone blanche, la zone noire, la zone opaque et la zone grise, entre trous et continents. Comme chez Sigmund Freud et Jacques Lacan.

L’androgyne c’est l’absorption du noir, du brun, du gris, de l’obscur. D’où aussi le blanc le plus blanc, le noir le plus noir, le gris le plus gris, l’opaque le plus opaque. Plus, au moins : positif, négatif, beau et laid, bon et mauvais. C'est le monde divisé, partagé en dichotomies.

« Je mange le cerveau de Satan » ? Ça, c'est la digestion du noir. Mais aussi à la place de lire les trous noirs en Lacan et à la place de lire les continents en Freud, nous avons les blanchissements de Lacan. Il y a qui mange le cerveau de Satan, ou bien de Lacan, oui, de Satan, et il devient blanchissime. Véritable nettoyage sociale de la profession psychothérapeutique.

 

Chaque psychopompe, chaque expert, est plus blanc que le blanc. « Il n'y a pas de deux », écrit Verdiglione, dans le cannibalisme mental psychothérapeutique convertible, entre le modèle du groupe et le modèle de la famille, entre hiérarchie et généalogie. Voilà donc ces convertibilités dans tous les couples en opposition, dans tous les couples dichotomiques. Et donc, la hiérarchie du groupe devient hiérarchie de la famille et vice-versa. C’est aussi la « dialectique » entre jihad et fitna dans l’islamisme.

 

« Quand la chair se fait verbe, le verbe finit par favoriser la circulation ». C'est la blague, la parodie de l'unilingue, du langage quelconque.

 

Dans la référence à la mort, garante l’égalité d’après coup, il y a deux filiations : généalogiques, verticale et hiérarchiques, horizontale. Généalogique en famille, hiérarchique en groupe, en troupeau, en tribu. « Le repas d'amour représente le pouvoir de suggestion, de persuasion. Le repas de haine représente le pouvoir d'influence. Nous mangeons de l'inconnu, dit Victor Hugo. Nous mangeons de la mort ».

 

Commence ici l'histoire autour d'Issei Sagawa, ce cas de cannibalisme qui a eu une énorme répercussion médiatique à l’époque. Pas de mythe de la mère et c’est pour cela que le jour du crime correspond à l’anniversaire de sa maman. La reproduction du semblable se fait dans l’entente sociale absolue. Verdiglione souligne que Sagawa aurait voulu avoir l’accord de la jeune fille.

 

« C'était plus fort que moi ». Ici, c'est l'engrenage. La liturgie de l’idée cannibale de l’avenir forge le cérémonial exécutif. C'est-à-dire que tout ce cérémonial de sacrifice de la jeune hollandaise est absolument à exécuter.

 

Donc il y a cet engrenage. « Le coup est parti ». Il n'y a pas de responsable. Sagawa relâche aussi une déclaration a TFI en 1985 : le cannibalisme serait une sorte d’expression d’amour.

 

Et là où, presque on entend plus, en suivant le cas de Sagawa, l’inquisition cannibale des idiots, la conclusion di chapitre se fait en moins de deux lignes : « L'inquisiteur se pose en parfait mangeur du cerveau d’autrui », mais en mangeant le cerveau d'autrui, il est en train de manger le sien, c'est aussi de l'autophagie.

Pour revenir à la question du bégaiement, j’annote que la mascarade se cristallise avec cet auto cannibalisme d’une mafia à un seul élément.

 

Verdiglione conclut : « Homo cannibalis, homo plagiarius ». Le plagium, c'est la substitution complète, la conversion complète du cerveau de la parole avec le cerveau du discours social, un cerveau tatoué, un cerveau sans parole, sans procédure par intégration. Plagium qui ne réussit jamais : dans l’acte de parole le théâtre du bégayement est une parodie de la trahison de soi-même et du cannibalisme de se propres mots.

 

Même la langue d’Issei Sagawa trahit la nomination originaire qu’il cherche à effacer. C’est cette nomination que nous suivons dans l’élaboration d’Armando Verdiglione.

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