Lire Verdiglione n. 25

La poésie de Sabina Spielrein

Quelque point autour de La conjuration des idiots, d’Armando Verdiglione (Grasset 1992, Spirali 1992). Nous sommes à la page 90, dans le chapitre « Notre poésie » de Sabina Spielrein. Dans la forme du récit, c'est un texte où l'original, en langue russe, se trouve à Milan, à la disposition des chercheurs.

 

Il sort par les soins de Renata Leontieff, au cours de 1988, dans l'“Hebdomadaire littéraire“ à Moscou. C'est question de la nomination par Sabina Spielrein. Pour elle, la poésie s'est diabolisée par Jung, qui se tient au discours gnostique, spirituel.

 

Jung lui dit de faire un pacte provisoire avec le diable. Donc, il croit dans le diable. Il systématise Luther, et tout ça c’est dans la visée de système des universaux de la langue, comme par Ferdinand de Saussure.

 

Ce système des universaux, c'est un système des archétypes, d'après Jung. Elle se perçoit que c'est une pensée sans la parole, et donc qu’elle procède de la question close. Dans la circularité, dans le cercle magique duquel parle Freud, Jung emploie, non l'analyse, mais l'analogie.

 

Avec cela, il sert la circularité. C'est donc une « analogie circulaire », pour circuler à l'intérieur de la question close. On dirait que celle-là, c'est la formation platonicienne des lycées occidentaux, et peut-être maintenant même orientaux. Depuis 1850, la philosophie a été diffusée, et puis même la psychanalyse, en sauce chinoise, japonaises... Je ne sais pas dans l'ombre si la trace est toujours presque effacée de Freud. Le freudisme, c'est sans Freud, mais ça c'est une autre question, que nous avons affrontée même dans d'autres pages de cette lecture.

 

Une fois, Jung écrit à Sabina Spielrein : « Le démon de la sexualité s'approche de notre âme comme un serpent » (p.90). Il y a même d'autres figures encore plus spécifiques, mais c'est déjà une énormité. C'est-à-dire que c'est la démonisation, la démonologie de la sexualité, et donc c'est l'érotisme.

 

C'est ce qu'il emploie à Jung. Il ne comprend apparemment pas tout cet intérêt qu'il a pour toute l'attraction fatale pour Sabina Spielrein. Ce n'est pas de l'attraction fatale, c'est que la poésie Sabina l'aima bien en tant qu'amie, sans avoir à remplacer la femme de Jung, et d'autres choses encore.

 

Mais Jung est accablé par les mots de la sexualité. C'est lui qui l'a dit : « Le démon de la sexualité s'approche » ? Alors, sera toujours le guet-apens. C'est cette attente de ce que puis fait un bond sur la victime. Ce n'est pas qu'il attaque, et c'est presque une embuscade. La démonologie, dans l’acte, pousse à l'analyse de la spiritualité, et elle donne des pistes ouvertes, comme le succès de la psychothérapie, qui est une psycho-démonologie.

 

Elle a avalé la psychanalyse comme Institut de Berlin en 1936, et beaucoup d'autres détails dans la vie de chacun. Et cependant chacun a une chance, entre les gestes et les mots.

 

Pour Jung, les conjectures de Sabina Spielrein sont incompatibles avec l'unité des opposés, avec l'harmonie sociale. Mais bien sûr, c'est là, même dans les brèches de Freud, dans son élaboration, que Sabina Spielrein va à jouer le jeu et à rester témoin de la révolution psychanalytique. Elle va à perdre la vie : elle est tuée par les KGB. Ce n’est pas une responsabilité de Sabina Spielrein, c'est une infamie du système russe de Staline. Voilà.

 

Comme Sabina Spielrein, nous lisons, de la poésie, même dans le texte qui véhicule des idéologies, des fantasmes, des maîtrises. Mais, pour cela, nous n’allons à bâtir, avec cette référence, quelque systématique, qui cherche la profondeur, et ne peut qu'à aplanir la surface. La diagnose, non seulement par Jung, s'appuie toujours sur la gnose. Et elle révèle de l'androgyne, de l'homme double, de la circularité, où il y aura les inclus et les exclus.

 

Donc la doctrine spirituelle de Jung produit la chasse au centre du pouvoir dans le monde, dans la cavité close, dans sa question close. C'est la reproduction même de l'exclusion par l’inclusion dévorante, comme fait l’ouroboros. C’est le système régit par la guerre archaïque de la famille (fitna) et la guerre archaïque de la tribu (jihad). Et tout homme dans soi a l’esprit qui le soutient. C’est l’esprit qui soude le père et le fils. Louis Althusser déclare que tout homme dans soi est habité par un enfant pervers qui dicte sa loi.

 

Ici, c'est l'enfant, même quand il est homme, qui rentre dans l'inconscient comme maîtrise de l'avenir, il rentre dans la mère pour la maîtrise de la matière. C'est ladite relation entre le moi et l'inconscient. Mais c'est mystérique de formuler comme ça, l’inconscient : ce n'est pas la nomination, c'est l'inconscient sans la nomination.

 

C'est écrit ici par Sabina Spielrein : « Ce qui arrive avec moi, ne communique pas sous les signes de la mère ». Evidemment, c'est aussi un récit, sous la base de ce qu'écrit Sabina Spielrein, mais il donne la leçon, il donne entre les lignes, et quelquefois, dans les lignes, le texte de Sabina Spielrein.

 

Ça, c'est très intéressant, comme chaque détail, ici. C'est-à-dire que, l'exclusion, le fait d'éviter la question mère comme indice de malentendu, indice de temps, se reproduit sous le maternage. C’est la poésie de Sabina Spielrein que pour Jung vaut à jouer à papa et maman. Jung est sous les signes de la mère archaïque, bien qu’il n'y ait aucun signe de la mère. Cela serait le signe de mort. Il y a la mère comme indice du temps, indice du malentendu.

 

Alors, ôter la mère et l'Autre : la mort envahit de ses signes le monde vide. Ça ne réussit pas, et donc les astérisques le signalent.

 

Il est question, par Sabina Spielrein, d’« assujettissement au cercle » de la pensée sans la parole. Donc il y a bien à élaborer la question du cercle magique et hypnotique, qui est une constante dans ma lecture. Et pour Jung « la circularité supportée par la mère, garantie par la référence à la mort, est un fait observable ». Pourquoi est-il observable ? Parce qu'il est sans la voix.

 

Le cercle magique et hypnotique, c'est le cercle de la maîtrise et de l'esclavage. C'est le cercle de l'ange et du diable, dans l'alternance et dans l'alternative. C'est le cercle du ravissement, c'est-à-dire de l'enchantement, c'est le cercle de la violence pour la violence, C’est la capture. Sans la prise de la parole, il y a la capture de chaque discours, de tout discours. C’est le coma maléfique, c'est-à-dire qu’il arrive le cercle magique et hypnotique à paralyser. Et donc, la maladie mentale est la variable moderne du maléfice (p.91), c'est le mal de l'Autre.

 

Male habitus. Et donc, qu'est-ce qu'il fait ? C'est Jung qui se tient à la démonologie. Il organise toute sa vie contre l'influence diabolique.

 

Les états, toute leur vie, ils s'organisent contre l'influence diabolique de l'ennemi. Et ils le produit, donc ils le trouvent toujours. C'est ça le guet-apens éternel.

 

Dans la circularité, c'est-à-dire dans la question close, le type ne rejoint pas la typographie, le type est sans écriture, il est déjà écrit pour l'éternité, c'est l'archétype inné. Et donc, ça va toujours à suivre l'adoration de l'ouroboros, avec l'édifice du psychopompe. Alors, l'attraction fatale est l'attraction paradisiaque. L'amour à première vue.

 

Jung adore Abraxas, et donc l'animal spirituel, l'animal qui s'unit entre deux natures. En tout cas, la double bête, le double homme ou l’homme-dieu, l'animal politique. C'est toujours la question.

 

Mais pourquoi ça ? Parce qu'il n'y en a pas deux. Où il n’y a pas de deux, il y a le monde des doubles. Le monde des dichotomies en série.

 

Et Jung ne s'aperçoit pas de la dualité inassignable, alors que le deux, ce n'est pas quelque chose que nous pouvons imaginer. Absolument, nous ne pouvons pas dire comme Lacan : il y a de l'un.

 

Une parodie : il y a le deux, dans le sens qu’il n’est pas ontologique. Et donc c'est donné ici comme une formulation de Sabina Spielrein, « il n'y a plus de bouc-émissaire ». Il n'y a plus de mort de la matière de la parole. Ici, dans l’élaboration de Verdiglione, et non pas ailleurs, est restitué le texte de Sabina Spielrein.

 

Ce n'est pas un texte préexistant à l'élaboration même d'Armando Verdiglione. Et il n'y a plus de matricide. Il n'y a plus de mort de la matière de la parole.

Verdiglione restitue la question de la pulsion de mort, qui est une élaboration de Sabina Spielrein. Il faudrait dire que c'est là, donc, dans la procédure par intégration, qu’il trouve que la mort, la pulsion de mort, indique la résistance originaire.

 

C'est l'un en tant qu'il procède du deux. Donc l'un qui n'est pas un. L'un qui se divise de soi et diffère de soi : sans référence à l'ancêtre, à la mort, sans le cercle de l'Ouroboros, sans le cercle que Freud a appelé magique. Le cercle magique est aussi hypnotique. Il est algebrale et géométrale. Il est pénal et pénitentiaire. Il est une hypostase.

 

Alors, dans les mots de Sabina qui s'aperçoit que la question est intellectuelle, le cas de qualité Armando Verdiglione annote : encore l'aurore, encore la poésie.

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