Lire Verdiglione n. 18
“La République des Délateurs”
Dans l’infini de la parole
Nous sommes à page 71 de “La conjuration des idiots” d’Armando Verdiglione. Le chapitre : « La République des Délateurs. Les balais de Goethe ».
C'est la question de celui que comme Leon Klinghoffer n'accepte pas l'omerta, à risque de sa vie. Il a été jeté à l’eau parce qu'il n'arrêtait pas de parler. Bien qu'il était paralysé sous une chaise roulante d'un navire en main d’un groupe terroriste.
Par contre, qui accepte l'omerta, qui se repentit de quelque chose qu'il a fait, dans son repentir suppose d’enlever l'abduction de l'Autre. Il appartient donc, le repentir, à l'institution de la peine. C’est l’acceptation la peine.
Il supprime les témoignages. Il représente dans l'ennemi l'autre. Or cet ennemi est la moitié du sujet du repentir.
Il est la moitié diabolique, la moitié spectrale, la moitié négative, la moitié idéale. L'idéal négatif, l'autre c'est l'idéal positif, l'idole auquel appartiendrait l'avenir même de Dieu. L'avenir idéal, c'est lui qui le forge comme répétition économique du même.
Ce n'est pas que quelqu'un est repentit parce qu'il y a un fait archaïque qui sous-détermine sa vie, comme dans l'hypothèse de la surdétermination de Freud. Parce qu'avec la conjuration des idiots, en 1986, il a eu, à un certain moment, une foulée de délateurs. Après le déclenchement manifeste et non plus cachs, et non plus hypothétique de l'inquisition contre la pratique intellectuelle d'Armando Verdiglione, coupable de n'être pas à la page sociale que l'époque privilégie, comme assujettissement de chacun.
L'accusation contre Armando Verdiglione est celle de vivre. Le crime est vivre. Pourquoi ? Dans une société où il y a des morts vivants ou des vivants morts, vivre c'est une menace pour la société des cimetières.
Lisons ce passage. « Après l'irruption du judiciaire et de la clameur démonisante, certains ont cru avoir mis les pieds dans le royaume qui leur était interdit et avoir accompli des pas exagérés. » La sensation est confinée dans le social.
Il y a « l'irruption du judiciaire » parce que la pratique intellectuelle est non démonisante, parce que la liberté comme vertu du principe de la parole ce n'est pas dans la liste des choses à faire. Et c'est interdit socialement. C'est un défi à chaque fois de vivre face à l’inquisition aujourd’hui laïque.
La république des délateurs répond à la république des sujets. C'est donc un assujetti, un sujet, avec son double niveau, qui donc fait à moins de Dieu, fait à moins de l'opération pour sa opération spéciale. Ce n'est pas la prérogative d'aujourd'hui de Poutine, c'est tout.
La difficulté à lire le cas Poutine pour chacun est la difficulté d'analyser son propre cas. Il a deux fils incertains, deux fils uniques, desquels Caïn a besoin de son Abel. Et donc en ôtant la pensée, il participe à la pensée générale, à la pensée de la volonté générale, là où il y aurait son général, son Napoléon.
Et alors, cet assujetti demande à être compensé, et c'est déjà posé dans la recherche le détail étymologique que penser c'est peser. Et ici, Verdiglione écrit que cette participation forme la compensée, et donc il écrit la copesanteur. C'est la charge, et c'est la notion même de porteur que c'est en question, et donc aussi du comportement, du comportementalisme.
Ce n'est pas qu'une spécialité américaine au temps de Lacan. En psychologie, il y a toujours encore le comportementalisme, apparemment balayé après par le cognitivisme. Et donc, ce sujet, ce porteur, en allemand, Träger, cherche sa portion de compendium, d'accumulation algébrique.
Nous sommes là en 1992, avec ce texte. Écrit Verdiglione, l'inquisiteur postule la canaille dans le lieu de l'absence du zéro. Nous pouvons dire que le sujet est canaille et aussi divisé.
Le sujet est dans la zoologie fantastique. La canaille, c'est comme le chien, les hommes comme les chiens. « Chien » qui en partie donnent le mot au cannibalisme, forgé par Colombo. Face à l'inconnu par le sujet de la participation et le témoignage, il n'y a pas de témoignage civil. Il y a la calomnie, la spécialité du délateur.
Verdiglione, ici, il enseigne que le témoignage ce fait par catachrèse, ce n'est pas fait par confession publique : par abduction dans l'infini de la parole. Ça pourrait être le titre de cette lecture, après : Dans l'infini de la parole. Et donc le témoignage civil dispose les choses à la politique pragmatique, à l'entreprise du temps, pourvu d'art et d'invention, « incompatible le témoignage avec l'inquisitorial reproduction économique du fait ».
Le témoignage concerne la vie dans son voyage, et il n'y a pas de reproduction économique du fait. C'est l'avenir idéal du dit inquisiteur qui crée le fait archaïque, qu'il faut reproduire, sans révocation possible de l'ordonnance. Le conjuré, écrit Verdiglione, prescrive l'ordonnance de l'extorsion légale.
Mais cette ordonnance est faite en supposant la direction idéale de l'avenir, l'avenir idéal. C'est l'avenir de la volonté générale. Le conjuré se tient au serment social, que toutes fois n’a pas de prise sur la parole originaire.
La république des délateurs c'est une ironie, étant donné que ou c'est la république ou se sont les délateurs.
L'inquisiteur, c'était ça la question, postule la canaille dans le lieu de l'absence de zéro, pour la réserve mentale destinée à l'omerta qui nourrit le secret de maman. Il y a question, sous l'inquisiteur, sous le postulat, sous la zoologie fantastique de la canaille, parce que c'est les chênes comme les chênes, l'humain canaille, voyou. S’il y a le lieu de l'absence de zéro : on a droit à la réserve mentale, à l’omertà. Il y a aussi la réserve substantielle destinée à l'omertà. C'est-à-dire au silence imposé pour la société d’honneur, comme un principe, comme un concept, qui nourrit le secret de maman. Donc il y a aussi en jeu la nourriture accolée au cannibalisme. Le secret de maman n’est pas à résoudre, mais à lire comme une formule.
Qu'est-ce que c'est que maman tiendrait secret ? Pas la mère, mais « maman », le secret de maman. Donc l'inquisiteur postule la canaille. Aujourd'hui peut-être que je dirais que c'est l'expert qui postule la canaille. L'inquisiteur est dans le cérémonial de la peine et de la pénitence, c'est-à-dire dans l'exécution du postulat de la canaille. Donc l'idée de l'avenir pour la canaille forgée par l'expert, l'inquisiteur va à la réaliser. Le témoignage, en s'en tenant au faire, c'est fait par catachrèse dans l'infini de la parole.
Le témoignage contrecarre l'imagination et la croyance dans l'expert et dans l'inquisiteur. Le témoignage, en s'en tenant au faire, c'est fait pas par un sujet, mais par catachrèse dans l'infini de la parole, et non pas par catachrèse de la fin de la parole. Chaque doctrine mystérique va élargir aux peuples de la Terre.
Le témoignage originaire dispose les choses dans la politique pragmatique, dans l'entreprise du temps, pourvue d'art et d'invention.
Par contre le témoignage, qui est compatible avec l'inquisiteur et l'expert, indique que c'est un couple qui peut être la même chose ; avec l'inquisitoriale reproduction économique du fait, qui n'existe pas tant que tel : le fait est créé par l'ordonnance de l'extorsion légale.
Mais qui sont les conjurés ? Les idiots : c’est la conjuration des idiots. Donc ces idiots ne sont pas seulement les scissionnistes, ce sont aussi les experts, les inquisiteurs. Dans cette langue qui n'est pas la mienne, mais c’est celle qui se tisse de texte à texte : les experts et les inquisiteurs sont les contre-idiots, ils sont les dictateurs.
Les idiots sont les exécuteurs, ils ne sont pas les géants mais les nains, qui opèrent à partir de l'extension du « non » de l'être. « Ils obtiennent [les conjurés] une fantasmatique maternelle dans un ragot gradué de manière à augmenter les prix de vente de quotes-parts ». C'est-à-dire qu'il y a un retournement facilité par la peur de l'inquisition déclenchée contre Armando Verdiglione, et qui pousse chacun à quitter les projets culturels, artistiques, scientifiques.
Les quotes-parts ce sont les astérisques de l’investissement intellectuel .
« Après l'extorsion légale, accomplie au seuil du procès direttissimo, ceux qui, en difficulté par rapport au milieu social et à leur propre famille, ont abandonné l'expérience, se mettent dans l'idéologie des ex ».
Voilà les scissionnistes, dans ce cas : les modestes et l'arrogant. « Le modeste, autre face de l'arrogant, fait le possible, l'impossible, le nécessaire, il se lie le pas et le pied, il s'interdit le luxe de la parole, le luxe des choses qui se font selon l'occurrence, par catachrèse. L'animal fantastique assume, pour le modeste, des formes négatives, telles qu'elles offrent à l'inquisiteur le prétexte pour niveler la différence. Sur l'idée de l'inceste, idée de l'Autre et du temps finissables le dépit supporte le ragot. La gratuité, dans laquelle se convertit la générosité de l'Autre une fois la grâce enlevée et l’univers du péché introduit, marque la dette totale, le modeste réclame des signes continuels pour démontrer encore la dette, il doit recevoir encore, il imagine qu'on lui doit encore quelque chose. L'ingratitude signifie la dette, elle se montre dans la revendication, le modeste croit finir le temps, il l'assume avec la sévérité de la Parque, il coupe le temps, la corde et le fil, il assume la haine, donc la fin de la haine. Il se fait petit cercle, petit balle et il se met à rouler, il porte la suspension de l'inceste, du péché et du mal. » .
La famille archaïque contribue à la modestie de celui qui se fait modeste. Elle l'exhorte à laisser Verdiglione au bourreau. Tout rentre dans la paralysie de l’ordre social.
« La nécropole comble du monde humain ». C'est-à-dire qu'ils ont cédé à l'humanisme canonique social du cercle restreint des contre-idiots. C'est-à-dire ici des experts et des inquisiteurs.
Armando Verdiglione, La conjuration des idiots, Grasset, 1992